Discriminations dans l’accès aux soins : un enjeu d’égalité
- valerieloisel
- il y a 8 heures
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En France, le droit à la santé est universel. Pourtant, le rapport du Défenseur des droits publié le 6 mai 2025 révèle une réalité bien différente : les discriminations dans les parcours de soins restent massives, bien qu’elles soient souvent invisibles.
Accéder aux urgences, obtenir un rendez-vous, franchir la porte d’un cabinet médical ou simplement faire entendre sa douleur... Si ces étapes relèvent de l’évidence pour beaucoup d'entre nous, elles deviennent des épreuves pour d'autres. Dans le système de santé français force est de constater que tous les patients ne sont pas reçus à égalité.
Sexe, origine, situation sociale, handicap, orientation sexuelle ou identité de genre : autant de motifs de traitements inégaux qui compromettent l’accès aux soins.
1 - Discriminations à l’accès aux soins d'urgence
Une étude européenne menée en 2023 démontre qu’un homme blanc a 50 % de chances de plus qu’une femme noire d’être considéré comme une urgence vitale, face à des symptômes identiques (1).
Les femmes, particulièrement jeunes, étrangères ou mères célibataires, voient leur douleur minimisée, disqualifiée, ou renvoyée à un trouble anxieux.
Les personnes sans domicile ou consommatrices de drogues sont quant à elles rejetées pour des raisons liées à leur apparence physique, leur odeur corporelle ou à une alcoolisation supposée.
Le « Syndrome méditerranéen », stéréotype raciste sans fondement médical qui attribue aux personnes d’origine nord-africaine une tendance à exagérer la douleur, continue d’avoir des effets dévastateurs.
2 - Discriminations à la prise de rendez-vous
Le refus de rendez-vous, qu’il soit explicite ou déguisé, constitue l’un des premiers obstacles à l’accès aux soins en France, émanant des professionnels de santé eux-mêmes ou du personnel administratif.
Les bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (CSS) ou de l’Aide Médicale d’État (AME)* sont particulièrement visés : en 2023, les taux de refus de rendez-vous atteignaient 4 % en médecine générale, 7 % en pédiatrie et 9 % en ophtalmologie pour les patients AME. Ces aides deviennent ici des marqueurs de stigmatisation, voire d'exclusion.
Ce filtrage touche bien d’autres publics : femmes enceintes sans domicile fixe, personnes autistes, handicapées ou porteuses du VIH. Certains patients diabétiques essuient des refus de prise en charge en raison du temps plus long de consultation qui est nécessaire.
Quant à la santé bucco-dentaire : ce sont environ 500 000 enfants et adultes handicapés. qui en sont exclus. De plus, la proposition d'un rendez-vous peut donner lieu, pour certains patients, à l'ajout de contraintes supplémentaires discriminantes : créneaux restreints, exigence de prise de rendez-vous en physique, délais rallongés, demandes injustifiées de documents.
Les plateformes de rendez-vous en ligne, mal adaptées aux personnes handicapées ou éloignées du numérique représentent également un facteur aggravant aux inégalités d’accès au soin.
3 - Discriminations au seuil des cabinets
Même avec un rendez-vous, le refus d’accès à la consultation reste fréquent et certains patients peuvent être éconduits et discriminés une fois arrivés sur place, sur la base de divers critères tels que le port du voile, la couleur de peau, le handicap visible, l'obésité, l'identité de genre, l'inaccessibilité des locaux, l'inadaptation du matériel, etc.
4 - Discriminations pendant les soins
Lorsque les patients accèdent aux soins, la discrimination est toujours présente. Au cours de leur consultation, les patients subissent parfois des manquements graves : non-respect du consentement, du respect de la vie privé, absence d’information, moqueries, propos racistes ou sexistes, refus d’examen ou de prescription, voire de traitement.
Certains actes médicaux essentiels sont refusés sans justification et il a été rapporté que des pharmacies refusaient la délivrance de médicaments aux personnes titulaires de l’AME. Des refus qui altèrent la relation de confiance entre soignants et soignés.
Le rapport du Défenseur des droits souligne également une réorientation abusive vers les PASS (Permanences d’Accès aux Soins de Santé), qui sont censées accueillir des patients privés de couverture sociale.
5 - Conséquences et préconisations
Entrant en contradiction complète avec les devoirs déontologiques des soignants, les discriminations creusent les inégalités en santé et alimentent un sentiment d’injustice profonde.
Leur degré de gravité est réel, puisqu'elles peuvent engendrer des retards de diagnostic, des erreurs et complications médicales, l'abandon de soins allant jusqu'à une exclusion durable du système de santé.
Pour y faire face, voici les recommandations du Défenseur des droits :
Élaborer une stratégie nationale de lutte contre les discriminations dans la santé.
Former tous les professionnels de santé, du secrétariat aux médecins.
Adapter les dispositifs d’accueil : accessibilité, interprétariat, rendez-vous diversifiés.
Renforcer les voies de recours, avec des sanctions effectives.
Source :
(1) Fabien Coisy, Guillaume Olivier, François-Xavier Ageron et. al., « Do emergency medicine health care workers rate triage level of chest pain differently based upon appearance in simulated patients? », European Journal of Emergency Medicine, 2024, n° 31
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